Assez régulièrement je me sens obligé de vous rappeler que les blogs ne sont pas morts et qu’ils vont faire un grand retour. Je pense ne pas me tromper en disant que la période de frénésie des blogs est derrière nous et que nous sommes dans une phase de rationalisation où les blogs sont exploités à leur juste valeur. La ferveur est donc retombée au profit de meta-plateformes sociales comme Facebook ou Google+. Mais ce n’est pas pour autant que les blogs ont disparu ni les moteurs de blog. Dans ce contexte, WordPress fait figure d’étoile des médias sociaux. Largement sous-valorisée, Automattic édite WordPress.org, le moteur de blog open source, WordPress.com, la version hébergée payante, ainsi qu’un certain nombre de services périphériques comme Gravatar, IntenseDebate, BuddyPress, bbPress…
Le mois dernier, WordPress a fêté ses dix années d’existence (comme mon blog d’ailleurs) : Ten Good Years. Dix années au cours desquelles la startup californienne a patiemment mené sa barque et trouvé sa place au sein d’une compétition acharnée. Mais au fil des rachats (Posterous, TumblR…), des changements de cap (Google a préféré concentrer ses efforts sur Google+ en délaissant Blogger) et de l’évolution naturelle (Drupal et Joomla s’engageant dans une course à la sophistication), WordPress a su séduire un large public grâce à un socle technique robuste, mais évolutif.
Le succès de WordPress est indéniable et il n’est pas du tout exagéré de dire qu’il a changé la face du web : WordPress is 10 years old today, here’s how it’s changed the Web. Aujourd’hui, près de 69 M de blogs sont hébergés chez WordPress (A live look at activity across WordPress.com), mais ce n’est que la partie visible de l’iceberg. WordPress est de très loin l’outil de gestion de contenu le plus populaire puisqu’il propulse près de 19% des sites web, soit 57% en valeur relative : Usage of content management systems for websites.
Ces chiffres peu connus sont à peine croyables, mais c’est bien la réalité : 2/3 des sites web n’utilisent pas d’outils de gestion de contenu (uniquement des pages statiques), mais sur le tiers qui les exploitent, WordPress totalise 57% de parts de marché. C’est donc une éclatante réussite, pourtant méconnue du grand public et même des initiés : WordPress now powers 18.9% of the Web, has over 46m downloads, according to founder Matt Mullenweg.
Comme précisé plus haut, ce qui plaît avant tout, c’est la simplicité et la robustesse de WordPress. Mais au-delà de ses atouts techniques, l’éditeur a surtout su séduire des millions de petits clients avec des offres individualisées, notamment pour les restaurants, les hôtels, les musiciens, les artistes, les futurs mariés, les municipalités, les profs…
Matt Mullenweg, le fondateur de WordPress, a récemment donné une conférence très enrichissante sur l’avenir de sa plateforme : State of WordPress 2013 by Matt Mullenweg. Au cours de cette conférence, il a ainsi pu détailler la roadmap qui a petit à petit conduit WordPress à évoluer d’un moteur de blog, vers un outil de gestion de contenus, vers une plateforme d’applications. Vous vous demandez sûrement comment un moteur de blog peut se transformer en une plateforme d’applications, et vous n’êtes pas le seul : Beyond blogging, WordPress as a platform, Using WordPress For Application Development, But Seriously, WordPress as an Application Platform?, WordPress is not a web application framework. La raison de ce débat est que la communauté a du mal à accepter de voir grandir son “bébé”. Le succès de WordPress repose ainsi en grande partie sur l’indéfectible soutien de sa communauté de développeurs et designers qui gravite autour de ce produit. En évoluant vers un modèle de plateforme d’applications, ils essayent de séduire un autre public et forcément… ça fait grincer des dents. Ceci étant dit, l’un n’empêche pas l’autre : WordPress restera un outil simple et extrêmement modulaire.
Le modèle de développement de WordPress est donc le suivant : séduire les petits commerçants avec une offre simple pour créer, héberger et gérer son site web, et les amener vers plus de sophistication avec des applications sous la forme de modules payants (ex : menus interactifs et système de réservation pour les restaurateurs). Vous remarquerez que WordPress a donc réussi là où Facebook a échoué : fournir une solution de présence / publication simple, robuste et évolutive.
En évoluant sous le radar, Automattic a donc su faire de WordPress un composant indispensable du web. Mieux : l’offre de WordPress se positionne comme une alternative très séduisante aux mastodontes qui ont tendance à franchir (trop souvent) la ligne verte : Twitter fakes real users’ tweets to promote ad platform. WordPress est assurément l’outsider des médias sociaux, celui dont on ne parle jamais, mais qui s’impose dans l’ombre.